Aucune enfance n’est linéaire. La mienne m’a laissé le goût de suivre son fil. Il n’y a pas d’avancement sans négativité. Cet impur chemin coïncide avec ce que j’entends par "psychanalyse". La respectabilité professionnelle y fait obstacle.

J’ai d’abord étudié à Paris les lettres et la philosophie, puis effectué un cursus de psychologie clinique à l’université de Jussieu. Ces études ont été accompagnées d’expériences de travail souvent révoltantes, certaines dans le champ de l’exclusion sociale (Samu Social de Paris, Centre d´Hébergement et de Réinsertion sociale). Les activités de réinsertion me sont apparues très éloignées aussi bien des réalités sociales que des situations individuelles. Les jobs me rappelèrent la misère de Job. Un service volontaire en Pologne me détourna de l’engagement humanitaire, les stages à l’hôpital me détournèrent du milieu médical, l’université me détourna d’une carrière académique. La Quatrième internationale me détourna du marxisme et les associations lacaniennes du lacanisme. La voie était quelque peu libérée pour une autre recherche !

J’ai découvert la psychothérapie institutionnelle lors d’un stage à la Clinique de la Chesnaie (Blois) et, dans le prolongement de cette orientation, j’ai fait des expériences en psychiatrie communautaire en Allemagne et suis devenue ensuite psychologue à Paris au sein des associations Espérance-Paris et Aire de Famille. J’y ai pratiqué la supervision d’équipe et l’accompagnement de personnes en difficulté psychique dans le cadre d’appartements thérapeutiques. Je me suis formée à la psychanalyse en me rendant en analyse et en fréquentant l’Espace Analytique. 

J’ai déménagé à Berlin en 2008 et ouvert un cabinet de psychanalyse en 2011. Au sein de l’association Freud-Lacan-Gesellschaft puis de la Psychoanalytische-Bibliothek-Berlin jusqu’en 2021, j’ai participé à des séminaires, colloques et groupes cliniques, et me suis engagée notamment dans la mise en place d’un séminaire "Art et psychanalyse" et d’une consultation de psychanalyse. J’ai aussi fait à Berlin l’expérience de l’aide à l’insertion de personnes en difficulté psychique (Internationaler Bund, Integratives Beratungszentrum). La santé mentale et la réinsertion sociale partagent une même normativité qu’il ne me paraît pas possible de soutenir.

Je me suis plongée parallèlement dans l’étude des multiples dimensions (historiques, scientifiques, sociétales) de la crise écologique et de la prétendue autonomie du développement technologique. Il m’est apparu de plus en plus impossible de traiter cette crise séparément des autres crises de la civilisation et de la question de la reproduction sociale, dans sa forme capitaliste et patriarcale. Toujours à la recherche d’un héritage de la Théorie Critique, j’ai découvert le courant de la critique de la valeur-dissociation et je participe depuis au comité de rédaction des éditions Crise & Critique. Le séminaire "Psychanalyse et Capitalisme" et le blog Grundrisse ont été créés en 2020 à Berlin pour investiguer et renouveler les rapports entre la critique psychanalytique du sujet et la critique sociale.